L’affaire qui remonte au mois d’août 2020 a été jugé, ce 18 octobre, devant la barre des flagrants délits du tribunal de grande instance de Dakar. Les faits ont été relayés à l’époque dans la presse lorsque les éléments de la Brigade de la Gendarmerie de Sangalkam ont, dans la nuit du 25 août, procédé à l’arrestation de quatre (04) des présumés voleurs de cinq (05) moutons de race Ladoum au domicile de l’ancien lutteur Meïssa Diao, alias Boy Kaïré.
Les faits remontent à la nuit du 18 au 19 août 2020 à Keur Ndiaye Lo, dans la commune de Bambilor. Le domicile de l’ancien lutteur avait fait l’objet d’un vol à main armée perpétré par un groupe d’individus. Pour couvrir leur retraite et éviter toute poursuite, ils ont tiré plusieurs coups de feu avant de s’enfuir.
Moustapha Guèye dit Mor, Abdoulaye Ka, Mouhamed Sow et Malaw Sow ont été attraits devant la juridiction pour répondre des délits d’association de malfaiteurs, vol en réunion de bétail commis la nuit avec usage d’armes à feu.
Dans une audience qui a duré plus de 2 tours d’horloge, l’ancienne gloire de la lutte plaignant dans le dossier, est revenu sur les faits qui datent de deux (2) ans.
« J’entretiens des moutons de race Ladoum. Lorsque les voleurs sont venus, j’ai entendu le bruit qui m’a réveillé et j’ai allumé ma lampe c’est là qu’ils ont tiré des coups de feu. Ma famille s’est immédiatement, réveillée, j’ai dit à mes enfants de rester cloîtrés. 5 à 10 minutes après avoir pris congé du domicile, avec l’aide de mon fils Ousmane, j’ai poursuivi le groupe mais on n’a pas pu voir les voleurs », a expliqué Boy Kaïré. Interrogé sur la suite qu’il avait donnée à cette affaire, Meïssa Diao poursuit ses déclarations.
« On n’a pas fermé l’œil après les faits et tôt le matin je suis parti porter plainte. Les voleurs étaient encagoulés et de petite taille, mais je ne pouvais pas les reconnaître. D’après mon constat, ils étaient 7 personnes. J’étais avec mon fils Ousmane pour les investigations au niveau de la brigade de Sangalkam et c’est là-bas que j’ai vu Mor Guèye qui s’est lui-même agenouillé lorsqu’il m’a vu pour me demander de lui pardonner. J’ignorais les raisons pour lesquelles il agissait de la sorte, mais il me demandait de me fier aux bons rapports que j’entretenais avec son défunt père qui était lutteur et un ami », a souligné Boy Kaïré qui laisse croire que Mor est impliqué dans le vol.
Il ressort des débats d’audience que Mor Guèye considéré comme le cerveau de la bande, a reconnu son forfait et l’a regretté à la brigade de gendarmerie devant Meissa Kaïré mais interrogé devant la barre, le prévenu a totalement nié sa participation et décharge ses co-accusés.
« Je n’ai pas d’informations de ce vol de moutons. Meissa Kaïré a participé à mon éducation, il est comme un père pour moi. Je l’ai trouvé à la brigade ainsi que Ousmane son fils, mais je ne me suis jamais agenouillé devant lui pour lui demander quoi que ce soit. Je n’ai jamais été avec ces gens pour commettre un vol», a soutenu devant le juge Moustapha dit Mor Guèye. Il accuse, par ailleurs, la partie civile de l’avoir menacé. « Boy Kaïré et sa famille m’ont attaqué trois fois de suite après les faits. Son fils Ousmane est venu me réveiller à 4H du matin la nuit du vol pour me menacer et c’est après que la gendarmerie a procédé à mon interpellation », a dit le mis en cause.
L’autre particularité dans ce dossier, c’est que tous les accusés habitent le même quartier que la victime du vol, Boy Kaïré à Keur Ndiaye Lo.
Selon le plaignant, il y’en a parmi eux qui entretenaient souvent des relations amicales avec son fils, Ousmane Diao.
Abdoulaye Ka et Malaw Sow ont tous deux nié leur implication dans ce vol de bétail et s’expliquent. « J’étais chez moi le jour des faits à Keur Ndiaye Lo. Je dormais, je ne suis pas sorti de chez moi cette soirée. Je me suis réveillé lorsque les faits se sont produits tard dans la nuit, mais ma mère m’a sommé de ne pas sortir de la demeure. On m‘accuse, mais je n’ai pas personnellement pris part au forfait », a déclaré Abdoulaye Ka.
« J’habite côte à côte avec Meissa Diao. J’étais au chantier cette nuit-là où j’assure le gardiennage des lieux. Il faisait 2h du matin lorsque les faits se sont déroulés. Boy Kaïré m’a croisé en chemin pour me raconter le vol. J’ai entendu les coups de feu et j’ai constaté que des moutons ont été emportés. Cinq (5) minutes après que le groupe est passé, Boy Kaïré est allé à leur poursuite. Je l’ai aidé à les poursuivre », a dit Malaw Sow.
Pour sa part, l’autre mis en cause, Mouhamed Sow a déclaré devant le juge s’être trouvé chez lui au moment du vol. « Je n’ai pas entendu les coups de feu parce que je dormais. À la brigade, j’ai clairement dit que je n’étais pas au courant. Ce n’est qu’au lendemain que j’ai été mis au parfum. Je connais Abdoulaye Ka et Mor Guèye par le biais du fils de Boy Kaïré, Ousmane. », a-t-il expliqué.
Interpellé sur des soupçons qu’il aurait sur les prévenus avec qui, il partage la même localité, Meissa Diao dit Boy Kaïré a voulu faire dans la prudence. « Je n’ai pas duré à Keur Ndiaye Lo. Je ne les connais pas bien, je ne peux rien dire sur eux. Comme je fréquentais tous les dimanches le domicile Me Mbaye Guèye qui juxtapose le mien, il m’a une fois murmuré que Mouhamed était un voleur et de faire attention à lui parce qu’il fréquentait mon fils », a-t-il laissé entendre.
La partie civile qui soutient n’avoir pas reçu le procès verbal du dossier à temps, a voulu que l’affaire soit renvoyée pour être dans les meilleures dispositions de tirer le dossier au clair. Selon le conseil du sieur Diao, des témoins oculaires à l’image du fils du plaignant, Ousmane doivent également être entendus, mais pour la défense, c’est la quatrième fois que l’affaire vient devant le tribunal et que le témoin est au même niveau d’information que son père Boy Kaïré. Pour les conseils des mis en cause, l’affaire ne peut être renvoyée sauf pour motif extrêmement grave. Le jugement a été finalement maintenu.
Dans sa plaidoirie, la partie civile a relevé la culpabilité de Mor Guèye. « Après son arrestation, il s’est agrippé aux jambes de Boy Kaïré pour regretter son acte parce que dit-il, son père qui était un ancien lutteur entretenait de bonnes relations avec mon client », a expliqué l’avocat. Selon lui, tous les prévenus connaissent bien Boy Kaïré et savaient qu’il élevait des moutons de race c’est ce qui explique naturellement le vol en réunion qu’ils ont brillamment réussi.
La partie civile croit que tous les indices sont réunis pour entrer en voie de condamnation contre les mis en cause. Elle a sollicité de maintenir ces derniers dans les liens de la détention et les condamner à telle peine qui plaira au tribunal et au versement de la somme de 20 millions FCFA pour le préjudice subi.
Dans son réquisitoire, le procureur de la République a souligné les zones d’ombre concernant l’implication dans cette affaire des trois (3) accusés hormis le sieur Mor Guèye. Pour le maitre des poursuites, seul ce dernier a montré un comportement culpabilisant démontrant sa participation au vol avec d’autres personnes. Il a invité le tribunal à requalifier les faits en vol commis la nuit en réunion portant sur du bétail avec usage d’armes contre Mor Guèye. Le procureur a requis 20 ans de réclusion criminelle contre lui et a demandé l’acquittement de tous les autres accusés.
La défense dans sa plaidoirie a voulu clarifier certains points troublants. Voisin de la partie civile, le bâtonnier, Me Mbaye Guèye constitué avocat des accusés a fait savoir en vérité que les moutons de race de Boy Kaïré proviendraient de lui pour avoir à deux reprises donné des femelles au fils de Boy Kaïré, Ousmane. Pour lui, celui-ci est passé la nuit du vol chez Mor Guèye et l’a trouvé en train de dormir pour l’attaquer.
« Condamner Mor serait la pire erreur judiciaire, je le pense M. le président. La partie civile n’a vu personne, il fallait mettre la pression sur Mor pour atteindre les autres », a confié l’avocat qui demande l’acquittement de tous les prévenus de l’ensemble des chefs d’accusation. Ses confrères de la défense ont suivi sa lancée en demandant à la juridiction de débouter la partie civile de sa demande de versement d’une contrepartie financière de 20 millions de FCFA.
L’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre prochain…